Repos des hommes qui ont vécu et qui ne reviendront plus jamais. Les âmes sereines se laissent aller en ce creuset où se tirent tant d'ultimes révérences... Une fois achevée la danse macabre, où tout le monde part en délabres, il ne reste sous le marbre que le sourire de la mort. Dans le cimetière de Barneville-la-Bertran, une seule voie de secours pour échapper aux pensées bizarres : s'enfermer avec art dans une bulle imaginaire, et déambuler ainsi dans ce lieu charmant, sinistre, morbide et ravissant. Dans ces régions où tout peut devenir noir, dans ce pays où rien ne naît, se mettre dans une bulle, roulé en boule comme un chaton parcouru de frissons, et maintenir la flamme de vie allumée, se détourner des réalités, et gagner d'autres réalités qui divertissent comme un pied de nez, dont on puisse se rire de toutes ses dents.
Circuler parmi les tombes, entre les dalles de marbre et de pierre. Que signifient ces parallélépipèdes sous les pinèdes ? Portes de mondes parallèles ? Les bras s'en lèvent en ciel, comme pour quelqu'un qui interpelle. Franchi ce huis, chacun cesse de jouer, comme une paire de lunettes dans son étui. On ne triche plus sous la pierre parfaite et achevée. Finie, la vie. La mort, une fois pour toute, une fois pour tous... Tandis que l'on prêche à tout vent dans le cimetière désert, un ibis survole cette merveilleuse petite terre, dans un ciel sans trombes...
Promenade dans le cimetière de Barneville-la-Bertran
A l'entrée du village, sur la gauche, au pied de l'église, repose un petit cimetière, sans grand mystère. C'est un champ de petites croix. Une, deux, trois, et tant d'autres encore! Ici, dans ce petit coin de paradis, plus personne ne pleure ni ne crie, sauf, peut-être, en silence... Pourquoi l'enfer serait-il aussi puissant qu'une forge au feu puissant? Ne serait-il pas plutôt un monastère, une cellule sans affaires, dans laquelle aucun mystère ne se dévoilerait, où chaque misère porterait le voile?! Le voile impudique et secret, qui ne cache rien et ne révèle que la clé...
Dans un morceau de ciel bleu veillant le séjour des morts, une main divine sort d'un nuage, comme dans ces images d'un autre âge. De ses doigts crochus aux ongles en deuil, la main céleste touche la petite église romane qui surnage au-dessus d'une terre humectée du sang des pécheurs.
Le petit édifice, sans artifice, flanqué d'une tour quadrangulaire, arbore d'épatantes croix pattées sur ses murs bâtis en travertin, soutenus par de très saillants contreforts de tuf. Ses ouvertures franches, sûres et bien façonnées - de larges fenêtres cintrées en briques plates - laissent pénétrer les rayons d'un soleil fier. Quelle clarté doivent recevoir les larges et belles dalles du choeur! Malheureusement, des murs de pierre se détachent de petits cailloux tombant à terre, tels les squames semés par des lépreux atteints d'un psoriasis infâme!
Tout à coup (en tournant la tête sur le cou comme un hibou), une vision d'enfer : un grand bazar dans le cimetière. Tombent les croix, toutes sur le dos. De pauvres âmes, à l'étroit dans leurs tombeaux, s'éveillent, les yeux tout caves, surgissant de leurs caveaux, violets comme des fleurs fanées oubliées dans un vieux pot de terre cuite. Des fleurs artificielles, orgueilleuses, artificieuses, tournoient jusqu'au ciel au-dessus des corps si lourds qui se dandinent comme des ours balourds.
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