Affichage des articles dont le libellé est Le Dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie Drôle" d'Alphonse Allais. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Le Dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie Drôle" d'Alphonse Allais. Afficher tous les articles

Honfleurissimo. Le dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie drôle" d'Alphonse Allais. V COMME VENISE.



Venise et Alphonse Allais (et vice-versa) vus par PIBOI


"Voir Venise ..... et se gondoler de rire";



En 1897, Alphonse Allais voyage à en Italie, à Venise. Ses notes de voyage paraissent dans "Le Journal" du 13 au 28 mai 1897.
(Ce ne fut pas son voyage de noces, comme ont l'a raconté, puisqu'il se maria avec Marguerite Gouzée en 1895). Les jeunes époux préfèrent Nice. Dès son arrivée, Venise "la superbe" caresse "allaisgrement" la sensibilité artistique d'Alphonse :

"La première chose qui frappe l'odorat du voyageur arrivant à Venise, c'est l'absence totale de parfum de crottin de cheval. Cette particularité, assez bizarre en apparence, s'explique d'elle-même dès qu'on s'aperçoit, par la pratique, que les seuls modes de locomotion et de véhiculage à Venise sont le footing et le gondoling.
- Non seulement Venise existe, mais elle est habitée pas uniquement par des peintres et des Cook's touristes, mais encore par de vrais Vénitiens et surtout des Vénitiennes authentiques, ces dernières plus jolies que nul ne saurait se l'imaginer et portant encore, en grande quantité, des chevelures de ce blond particulier qu'affectionnait
notre regretté Titien ".
- "Ah ! que Venise est belle !".
Venise "l'adorable" lui remet en "remembrance" des instants de son enfance :
- "La cour d'une maison que j'habitais autrefois était régulièrement, chaque dimanche matin visitée par un homme âgé qui, s'accompagnant d'une guitare aphone et mal accordée, chantait -de quel organe ! - une vieille romance dont le refrain commençait par ces mots : - Ah ! que Venise est belle !
Ce vieillard chantait faux, mais il disait juste. Impossible, en effet de rêver quelque chose de plus beaux que cette Venise adorable et superbe !

- "Maman m'avait si souvent endormi, tout petit, avec le chant des gondoliers ...." que lorsqu'un "facchino" embarque son bagage dans une gondole, Alphonse s'y installe avec "pas plus de fantaisie qu'on se met à monter dans un fiacre ".

- "la première chose qui frappe le goût du voyageur arrivant à Venise, c'est une exquise glace "tutti-frutti" dégustée sur l'une des mille petites tables du café Florian.
- la première chose qui frappe l'ouïe du voyageur arrivant à Venise, c'est le remplacement du bruit de cornes et de grelots cyclistes par les mélancoliques clameurs des gondoliers.
- La première chose qui frappe l'oeil du voyageur arrivant à Venise, c'est le spectacle ... d'une charmante jeune femme, distribuant sans compter du blé de Turquie aux pigeons de la place Saint Marc".

Mais bien plus que le spectacle du Grand Canal, Alphonse Allais est ému par une simple inscription aperçue au-dessus d'une porte dans la gare de Venise :

MERCI CELERI
Le croira qui veut, mais un hommage public et si éclatant rendu à un humble légume touche la sensibilité d'Alphonse, bien plus que des manifestations imposantes.
- "L'origine de ce culte m'échappe. Sans doute le céleri a t-il sauvé des populations entières au cours de cruelles épidémies, ou bien ne faut-il voir dans ce curieux fanatisme qu'un vieux restant de superstition païenne.
A moins - je donne cette explication pour ce qu'elle vaut - que les fameuses oies qui sauvèrent le Capitole n'aient dû leur extrême vigilance qu'a une nourriture où le céleri entrait pour une large part".

MERCI CELERI
N'importe, il est touchant de voir des gens comme les Vénitiens rendre un si éclatant hommage à un simple végétal !



Les lecteurs de "Le Journal" devront attendre deux jours, pour lire le 21 mai :

- "Dans mon ignorance de la langue italienne, je me suis livré, hier aux plaisanteries les plus niaises sur cette inscription : "Merci céleri", qu'on rencontre dans beaucoup de gares de ce pays. Réduisons l'incident à ses justes dimensions. "Merci céleri" signifie "Marchandises en grande vitesse" et rien de plus. Voilà ce que c'est de causer sans savoir".

Point ramier, Alphonse Allais s'intéresse "allaisgreto" aux pigeons de la place Saint Marc.
- "A propos des pigeons de Saint Marc, j'ai tenu à m'assurer par moi- même qu'elle était vraie la légende qui dit ces volatiles inviolables et sacrés pour tout Vénitien.
Jamais, dit-on, fût-ce aux temps de siège et de famine, un pigeon ne connut à Venise, les affres de la moindre casserole. C'est vrai. Mon expérience consiste en une poignée de petits pois jetée sur les dalles en guise de maïs.
Un peu étonnés d'abord de cette alimentation nouvelle, les gracieux volatiles se gorgèrent bientôt de mes "pisselli", sans manifester la plus petite horreur personnelle ou atavique. Essayez ce sport en France, et vous verrez le lamentable tire-d'aile.

Assis à la terrasse du "Café Florian", Alphonse Allais note sur son carnet de voyage :
"Entendu ce colloque entre touristes bien parisiens :
- Alors vous partez ?
- Mais oui ... Nous sommes ici depuis quatre jours, c'est plus qu'il n'en faut pour tout voir (sic).
-Vous vous êtes bien amusés ?
- Oh ! ça non ! je trouve Venise d'un triste !
- Vraiment ?
- Oui ... on a tous le temps l'air de se promener dans des inondations ! "

Ou alors qu'une "bissone" descend le Grand Canal :

"Appréciation d'une dame de Rouen :
- Venise, en somme , c'est Pond-Audemer en plus grand ! "

Mais le temps du séjour dans la Cité des Doges se rétrécie comme peau de chagrin. Alphonse Allais note alors :

"- J'ai la nostalgie du cheval.
Non pas que je sois un fervent écuyer, mais voici dix grands jours que je n'aperçus l'ombre du plus pâle canasson !
J'en excepte, bien entendu, les quatre chevaux du portique de l'église Saint Marc, lesquels, entre nous, se trouvent là un peu comme des chevaux .... sur la soupe.

- Et maintenant, adieu gondoles, au revoir plutôt, car on reviendra, ô Venise enchanteresse, si belle qu'on oublie les Anglais mal élevés, les Allemands grossiers et les Français idiots qui l'obstruent ! "

Alphonse Allais ne reviendra jamais à Venise. Et ne s'écriera jamais, comme le Maréchal Mac-Mahon (qui le coquin, fit un détour par "Le Lido", pendant la campagne d'Italie, c'est
maintenant prouvé) :
"- Que d'eau, que d'eau et encore on ne voit que le dessus! "


(Texte transmis par Jean-Yves Loriot)

Honfleurissimo. Le dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie drôle d'Alphonse Allais". C .... comme CURE-DENTS




"Les Cure-Dents se souviennent et chantent".



Dans ce petit poème d'une exquise intimité, l'artiste se sert de la fiction suivante : les cure-dents qui proviennent de plumes d'oies, comme chacun sait, rencontrent dans les molaires des consommateurs, quelques fragments du volatile auquel ils furent arrachés.



"Alors il nous souvient
Des jours anciens,
Et du soir d'automne où quelque servante accorte
Pluma notre pauvre mère devant la porte.
En fermant les yeux, je revois
L'enclos plein de lumière,
La haie en fleur, le petit bois,
la ferme et la fermière.

Sur les tables des restaurants à prix modiques,
Nous sommes les tristes cure-dents mélancoliques ".



Tout cela n'est-il pas d'un charme très prenant ? L'auteur a beaucoup souffert dans la vie, cela se voit. Fasse le ciel qu'il souffre encore beaucoup pour que nous nous délections plus longtemps à le lire.



Alphonse Allais. 1893.

Honfleurissimo. Le dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie drôle d'Alphonse" . J..... COMME JEANNE LEROY-ALLAIS.

Jeanne -Mathilde Allais à l'école des Ursulines
(Rang du fond, debout à gauche de la photo)
Photo inédite. Collection particulière.

Rose-Jeanne-Mathilde, soeur aînée d'Alphonse, est née le 16 janvier 1853. Alphonse et Mathilde eurent toujours des liens fraternels très forts. Lorsqu'il s'inscrit à l'Ecole Supérieure de Pharmacie, Mathilde accompagne son frère à Paris où elle enseigne comme institutrice libre. Elle rencontre et épouse Charles Leroy, un ami parisien d'Alphonse et rédacteur au journal "Le Tintamarre".
"Le Tintamarre" du 23 décembre 1879 publie cet avis :
PRIERE DE NE PAS LIRE CECI
"Nous avons - ou du moins nous faisons semblant d'avoir - le plaisir d'annoncer à nos lecteurs le mariage de notre ami et collaborateur Charles Leroy avec Mademoiselle Mathilde Allais, fille de M. Charles Allais, conseiller municipal d'Honfleur, et soeur d'Alphonse Allais, notre collaborateur aussi. - Le sinistre aura lieu à Honfleur, le 29 décembre. Charles Leroy ! .... Allais ... sur qui compter, alors ! ... Enfin! .... raidissons-nous ! .... A l'occasion de cette solennité, Le Tintamarre accorde aux belles-mères une trêve de vingt-quatre heures. C'est égal ... c'est dur ! ". Le Secrétaire de rédaction.

Ecrivain, elle publie sous le nom de Jeanne Leroy-Allais, dix-sept ouvrages : romans (dont deux couronnés par l'Académie Française : "Marie-Rose au couvent" et "Ames vaillantes"), études de Morale et de Sociologie, des livres-albums pour enfants dont certains sont illustrés par Benjamin Rabier ("Chez les Bêtes," " Le Roman de Renard", " L'homme qui comprend le langage des animaux") ....
En 1913, Mathilde publie un livre sur son frère Alphonse : "Alphonse Allais, souvenirs d'enfance et de jeunesse ", préfacé par Alfred Capus et qu'elle dédie à : "Messieurs Tristan Bernard, Alfred Capus, Maurice Donnay, Lucien Guitry, qui furent les meilleurs et les plus fidèles amis d'Alphonse Allais".
Le 16 octobre 1914, à l'âge de 61 ans, elle meurt à Honfleur, d'une maladie de coeur.

"Alphonse Allais, souvenirs d'enfance et de jeunesse".

Edition originale du livre de Jeanne Leroy-Allais.

Textes et documents transmis par Jean-Yves Loriot (c)

Le dictionnaire des mots qui ont fait la " Vie drôle d'Alphonse : B comme (Tristan) Bernard et Alphonse Allais, ou vice-versa.

En 1892, Myrthil Bernard, le père de Tristan (de son vrai prénom Paul) fait construire sur un terrain vague à Paris, une dizaine d'immeubles d'habitation. Au début de 1893, ces nouveaux immeubles sont occupés par la famille Bernard : parents, enfants, oncles, cousins. Ce qui fait dire à Tristan Bernard : "Eau, gaz et juifs à tous les étages".
Alphonse Allais et son épouse s'installe au n° 7 (troisième étage, porte gauche). Durant 3 ans Tristan et Alphonse seront voisins. L'immeuble est surnommé alors : "La maison des humoristes".
<-- caricature de Tristan Bernard par Sacha Guitry
C'est locataire de cet appartement, qu'Alphonse Allais prête à Tristan Bernard, qu'il nomme "ingénieur international", l'invention des "routes flottantes en liège pour traverser les océans" (une couche de trente centimètres de liège, épaisseur suffisante pour supporter la circulation des voitures) :
"..... on établirait un chemin flottant, formé de plaques de liège, unies entre-elles par des crampons d'aluminium. Les plaques s'ouvriraient au milieu du détroit au moyen de charnières à ressort, afin de laisser passer les navires de commerce".

A partir de 1899, Tristan Bernard, l'un des "Mousquetaires" avec Lucien Guitry et Jules Renard séjournera chez les Allais "Villa Baudelaire" à Honfleur.
Le 28 octobre 1905, jour où Alphonse Allais "enfile son posthume sur mesure", c'est Tristan Bernard et sa femme qui vont chercher Marguerite Allais à la gare du Nord et lui annoncent la triste nouvelle.
Tristan Bernard laissera de nombreux témoignages de la silhouette d'Alphonse Allais :

- " je l'ai vu déambuler sur le boulevard comme derrière un convoi
funèbre".
- " Allais se rendait compte de sa valeur. Souffrait-il d'être méconnu ? Je ne le crois pas. Il était simplement vexé dans son goût de justice, en constatant que l'esprit critique, en France, à la vue
aussi basse.

- " Alphonse Allais était un bon écrivain. Non qu'il passât sa vie avec les manchettes de M. de Buffon, en surveillant d'un oeil de puriste tout ce qui naissait sous sa plume : mais il avait une façon de parodier, de grossir les fautes de style de certains contemporains qui prouvaient certainement qu'il s'y connaissait en bonne ou mauvaise écriture".

En 1898, Alphonse Allais collaborera avec Tristan Bernard pour écrire une adaptation théâtrale de "Simple malentendu" sous le titre "Sylvérie ou les fonds hollandais". La "première" de cette pièce sera jouée sur la scène du théâtre des Capucines à Paris et en 1954, au Grenier à sel, à Honfleur par Henri Jeanson et Martine Carol pour les cérémonies du centenaire de sa naissance.
Tristan Bernard par Jean Veber
(Merci à Jean-Yves Loriot pour la transmission de ces informations et illustrations)

A comme Allée 35.

1854. A droite en sortant de la pharmacie Allais et la séparant du restaurant voisin (devenu aujourd'hui la pharmacie et vice-versa), "tout est dans tout et vice-versa", l'Allée 35, passage reliant la place de la Grande Fontaine (aujourd'hui place Hamelin) à la grève.
.
Entre la pharmacie et le café voisin,
l'allée 35. (porte entr'ouverte) en 1954 ----->
.
L'arrière de la pharmacie, le laboratoire et les chambres des garçons donnent sur cette allée, bordée de tristes maisons en bois, reliés par une passerelle.
Le bas de l'allée est habité par une population pauvre, population que côtoie le jeune Alphonse malgré l'interdiction, et sujet à observation.
Jeanne Leroy-Allais, la soeur d'Alphonse, dans son livre "Alphonse Allais, souvenirs d'enfance et de jeunesse", qu'elle publie en 1913, consacre un chapitre (le XX ème) à l'Allée 35 :
.
"Les hôtes de l'Allée"
"Si Alphonse Allais trouva, au laboratoire paternel, un champ d'études à souhait, il y trouva aussi des sujets inépuisables d'observation amusée dont, plus tard, il sut tirer parti. Il était, il fut toujours populaire dans cette Allée 35, pourtant mal famée et qui nous était sévèrement interdite. Nul ne sait d'où lui est venu son nom bizarre. Elle reliait la place de la Grande Fontaine
à la grève, desservant notre maison et plusieurs cafés. De ce côté, encore, elle se respectait, et, n'eussent été les passages et les stationnements de voisins suspects, on aurait pu la déclarer
irréprochable. Il n'en était pas de même pour ce qu'on appelait, avec mépris plein
de dégoût " le bas de l'allée". Devant notre laboratoire, elle formait une sorte de cour assez large, puis brusquement s'étranglait, encombrée de balcons de bois, d'escaliers extérieurs, d'encorbellements hasardeux, de ponts suspendus et couverts. Ces constructions, plusieurs fois séculaires et jamais modifiées, étaient à la fois sordides et pittoresques. Les nombreux artistes qui fréquentaient la région ne manquaient pas d'en faire d'intéressantes études, et Karl Daubigny dit un jour à des camarades qu'il y avait amenés : " Avec deux ou trois dromadaires bien posés, tout le monde croirait à un coin de Kasbah ".
La population était en rapport avec l'endroit. Elle se composait, en général, de gens n'ayant aucune profession déterminée et vivant, hommes et femmes, du mouvement du port. Ils payaient rarement leur terme et les propriétaires semblaient en avoir pris leur parti, ainsi
que des dégradations qu'ils exerçaient pour leur commodité. Les expulser ... ? à quoi bon ? ils auraient été remplacés par d'autres pas mieux.
La marmaille y était innombrable, comme dans tous les milieux de misère, et complètement abandonnée à elle-même. Inutile de dire qu'elle constituait une engeance redoutable que tout le quartier abominait.
Il nous était formellement interdit de mettre les pieds dans l'Allée 35, et de causer avec les "gamins des rues" qui la peuplaient. Mais nous étions fort peu obéissants, et si nous ne passions jamais par l'allée dont la malpropreté nous répugnait, nous ne dédaignions point de lier conversation avec les marmots quand ils venaient sous les fenêtres de la salle à manger au moment où nous nous y trouvions sans surveillance (...)"
.
Petite allée en superficie, certes, mais grande dans "la vie drôle" d'Alphonse.
Cette allée, sur laquelle s'ouvrait le laboratoire de la pharmacie, fut souvent illuminée et sonorisée par des explosions. Le jeune Alphonse, passionné par les matières fulminantes, y expérimente des feux de bengale, des pièces d'artifices, des pétards fabriqués avec
les matières premières du laboratoire paternel, affolant les habitants du quartier.
.
<--L'allée 35 en 1954. (Photos Fonds Anatole Jakovsky).
.
2004. Jusqu'à l'an de grâce 2004, cette allée ne portait pas de nom, juste un nombre : le 35, numéro du cadastre.
150 ans plus tard après la naissance d'Alphi, et sur une lumineuse idée de l'Académicien Pierre Tchernia, idée comme seuls peuvent en avoir les Académiciens, cette orpheline de nom est baptisée au mois d'octobre 2004, mois allaisien : "L'Allée Allais"

Retrouvez " l'Allée Allais" dans "Le dictionnaire des mots qui ont fait l'" Après Allais". (Bientôt sur cet écran).
Merci à Jean-Yves Loriot pour ces infos allaisiennes ;-)

Le dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie drôle" : A comme .... Ascenseur.

En 1867 apparaissent en France les premiers ascenseurs hydrauliques.
Dans "Amours, délices et orgues", paru en 1898, Alphonse Allais, toujours soucieux de soulager les maux par les mots, imagine ...."L'ascenseur du peuple".

" L'ascenseur (lift) est rare dans nos bâtisses françaises, surtout dans celles où s'abritent le prolétariat, la menue bourgeoisie et la toute petite administration.
Pauvre gens qui trimez tout le jour, c'est votre lot à vous, chaque soir, accomplie la rude besogne, de grimper, à l'exemple du divin Sauveur, votre quotidien calvaire, cependant que de gras oisifs,
d'opulents exploiteurs n'ont qu'un bouton à pousser pour regagner, mollement assis, leurs somptueux entresols ! La voilà, la justice sociale ! La voilà bien !
.
L'ascenseur du peuple
vu par Piboi
----->
.... On m'a présenté, dernièrement, un monsieur qui a trouvé un moyen fort ingénieux pour remédier à ce déplorable état de choses. Avec l'assentiment du propriétaire, il a organisé à l' une de ses fenêtres un appareil assez semblable à celui dont on se sert pour tirer l'eau du puits : une forte poulie, une solide corde, et, aux bouts de la solide corde, deux robustes paniers pouvant contenir chacun une personne.
Sur le coup de sept heures et demie ou huit heures, selon qu'il a bu deux ou trois absinthes, notre homme, employé de la " Compagnie générale d'assurance contre la moisissure ", (c'est le métier de notre inventeur), arrive au pied de la maison.
Un coup de sif
flet ! Une fenêtre s'ouvre; au bout d'une corde, un panier descend jusqu'au sol.
L'homme s'installe dans le panier. Second coup de sifflet ! C'est alors le tour de la bourgeoise d'enjamber le balcon et de s'installer dans l'autre panier.
Comme le poids de la dame est inférieur à celui du monsieur, il ne se passe rien tant que l'aîné des garçons n'a pas ajouté à sa maman un poids supplémentaire.
Ce poids est représenté par une lourde pendule Empire, qui suffit à rompre l'équilibre.
Dès lors, le panier descend, cependant que monte celui du monsieur.Ce dernier peut ainsi regagner son appartement sans la moindre fatigue. La femme n'a plus qu'a remonter les six étages par l'escalier, tenant dans ses bras la pendule Empire, à laquelle elle doit faire bien
attention, car son mari y tient énormément ".
<-------
La maquette du principe
de l'ascenseur du peuple
(photo J.-Y. Loriot (c))

UNE NOUVELLE RUBRIQUE SUR "HONFLEURISSIMO" : Le dictionnaire des mots qui ont fait "La Vie drôle" d'Alphonse Allais. A comme .... Absinthe.

( Photo J.-Y. Loriot (c))
.
Alphonse Allais, on le sait, souffrait d'intempérance pour les boissons alcoolisées. Comme beaucoup d'artistes de cette fin du XIX ème siècle, il se blottit souvent dans les bras de "la fée verte". Ne voulant pas faire preuve "d'absinthéïsme" , il "boit l'absinthe", "la fée verte", muse-aiguillon supposée des poètes mais aussi phénomène de société ... (Il faut visiter le remarquable musée de Marie-Claude Delahaye à Auvers-sur-Oise).
.
Alphonse Allais, dans plusieurs nouvelles ("Familles", "Le pauvre bougre et le bon génie", "Absinthes", "La dot", "La langue et l'armée française", "L'aventure de l'homme-orchestre", "La Vierge à l'absinthe", "Trop de précaution nuit", "Cupides médicastres") donne à boire à ses personnages ce nouveau breuvage qui stimule tous les sens, à l'instant de "l'heure verte" !
.
" Le monsieur demanda son "absinthe-anisette" sur un ton de lassitude inexprimable.
- Donnez-moi une absinthe, semblait-il dire, non point pour me griser, mais pour tâcher d'oublier un peu et de m'évader - quand ce ne serait qu'un quart d'heure - de cette insupportable fabrique de rasoirs qu'est la Vie ! ".
"La dot". Revue franco-américaine, n°2, juillet 1895.
.
" La Vie, ce n'est pas drôle, mais c'est la vie ... elle est faite de rien, une absinthe au coin d'une terrasse de café ... c'est bon l'absinthe ... pas la première gorgée, mais après. C'est bon ... "
Absinthes". Pas de bile, 1893.
.
Retrouvez l'intégralité de ce texte " superbement neurasthénique, tranche existentielle émiettée d'une tendresse déchirante " (Patrice Delbourg) et " La Vierge à l'absinthe " sur
http://www.boiteallais.com/ , chronique : Abécédaire, A comme absinthe.
.
Mais "les absinthes ont toujours tort". A consommer avec modération, à lire sans !
.
--> Merci à Jean-Yves Loriot, Conservateur Guide Officiel Homme d'Entretien (CGHE 147) du "Petit musée d'Alphonse!" (le plus petit musée du monde), grand Allaisophile devant l'Eternel, pour cette nouvelle rubrique. On attend la suite avec impatience !!!