Incursion dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Barneville-la-Bertran

Entrons dans l'église... Le portail occidental, flanqué de deux contreforts saillants en tuf, est percé d'une porte en plein-cintre. A gauche, une étroite fenêtre bouchée, en forme de lancette. Sur la plus haute marche, à l'entrée, enclenchons la poignée et pressons la lourde porte... Elle ne bouge pas! Triste et diaphane comme un profane, réessayons, crispons la main... En vain... La porte est fermée à clé sur le lieu saint. En s'arc-boutant pour tenter de voir quelque chose à travers la serrure, dans un champ très restreint, on perçoit une partie de la nef, quelques vitraux, des lattes de la voûte en frise de chêne. Au fond, le choeur, l'autel, un retable. Au mur pendent de vieux tableaux...
Où donc est passé le custode? Où est la clé? Peut-être dans le puits, qui sur la place resplendit? La vérité parfois se trompe de baignoire... Est-elle en avance ou en retard? Elle le saura un de ces soirs...

Soit, si ce n'est par la porte, entrons par ailleurs. Il se trouve toujours un faille par où faire passer son rail, à fond de train! En effet : une ouverture s'offre sur la haute et belle tour carrée du clocher, où se battent l'ombre et la lumière. Sans hésiter, un maraudeur peut se faire tarentule et, s'appuyant aux jambages saillants à un des coins de la tour, entamer une ascension des plus vertigineuses, assez dangereuse...

Les nuages par dessus le toit se déchirent, s'effilent puis dessinent des nimbes créoles, comme des auréoles. Dans une basse-cour du village, non loin de l'église et des pâturages environnant, le chant du coq se fait entendre. Les mains crispées aux doigts crochus s'agrippant aux pierres du dessus, le maraudeur peste et maugrée, les cheveux en bataille comme des chevaux qui se tiraillent, énervé comme une sorcière qui voudrait faire passer le gallinacé de vie à trépas. "Vas-tu te taire, bête de malheur?!".

Alors qu'il achève son ascension de la face sud de la tour, il rencontre une araignée aux pattes croisées, qui se repose sur une croix pattée, noire comme du café. Sur fond de pierre angulaire immaculée, elle se détache, face enténébrée contre face immaculée. Adroites lignes droites, sinistres ombres, vous recevez la lumière de la vie avec la conscience de la mort!
Après s'être faufilé dans la faille, l'intrus s'aide de la corde qui pend jusqu'au sol et atterrit sur une dalle dans un gros nuage de poussière. Il ne met pas trop de temps à faire l'inventaire du trésor qui gît là depuis si longtemps : des porcelaines chinoises fort courtoises, des tentures et des peintures, des médaillons en biscuit de Sèvres, des pièces de mobilier, des squelettes montés sur échelles, tirés de leur sommeil d'huître dans leur aître, les restes d'un ancien ossuaire... D'un coup de crochet, il sort par la porte et dirige ses pas vers la sortie du cimetière, gagnant le coeur du village...
S'orientant vers le centre, le coeur joyeux, il s'étire et trace une marelle sur le sol poussiéreux. Une à une il numérote les cases de son doigt noueux et, ayant ramassé une pierre faisant office de palet, se met à jouer. Il lance le caillou, parcourt à cloche-pied quelques cases entre ciel et terre, entre l'ici-bas et le paradis là-bas...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Les commentaires sont à faire pâlir Alfred De Musset! Lecture apaisante;Un agréable petit moment de rêve.

Pierre BOITEAU / PIBOI a dit…

Merci Anonyme !!! ;-)